Les
émigrés portugais : de simples
morues ?
Il n'y
a peut-être pas que certains
étrangers qui considèrent parfois
les
portugais résidant à l'étranger
comme des morues. Désormais
il y a aussi le Portugal lui-même,
ou plutôt les institutions portugaises.
Le
référendum sur la dépénalisation
de l'IVG, une des plus importantes
questions de société sur lesquelles les
portugais auront
eu à se prononcer dans leur
vie, se déroulera
au Portugal le
11 février 2007.
Empêchés
de voter...
Les
portugais résidant à l'étranger
(émigrés) qui le souhaitent,
ne pourront cependant
pas s'exprimer sur cette question cruciale
de société. Le Portugal,
leur pays de nationalité, vient
en effet de leur interdire le
droit de voter au référendum
sur l'IVG, décision d'ailleurs
confirmée par le Tribunal Constitutionnel portugais,
qui aussi incroyable que cela
puisse paraître, approuve le
fait que les émigrés portugais
ne participent pas à ce référendum.
Ces
derniers sont donc empêchés
de s'exprimer sur une question
profonde, relative à l'aspect
humain, et qui sera probablement
ancrée définitivement dans la
loi portugaise - loi d'un pays
dans lequel une grande partie des
émigrés possèdent une habitation
et paient des taxes en
relation. La question de
société soumise à référendum les
concerne pourtant en tant
que portugais et peut
les concerner plus encore dans
le futur, (ou sera également
susceptible de concerner
la partie de leur descendance
directe décidant d'aller vivre
au Portugal).
Exclus
de l'Histoire
Les
émigrés portugais inscrits auprès
des consulats respectifs
portugais situés dans leur pays
de résidence, peuvent pourtant
s'exprimer par le vote à des
occasions de
moindre importance, telles les
élections d'hommes ou de femmes
politiques amenés à ne revêtir
qu'un simple statut d'élu de courte durée.
Le
10 juin est le jour du
Portugal et (il semblerait que
ce soit) entre autres aussi
le jour des communauté(s)
portugaise(s). Mais de
quelle communauté
? Celle que l'on prive du droit
de participation aux votes
déterminants pour le pays ?
L'expression "Communauté
portugaise" trop volontiers
employée, a-t-elle
encore un sens, ou n'est-ce
qu'un habillage paternaliste
rendant parfois de fiers services à quelques
uns ?
Absurdité
ou dédain ?
Il
semble pour le moins absurde et
en tout cas totalement irrespectueux
envers eux-mêmes mais aussi
envers la nationalité portugaise
qu'ils n'ont pas abandonnée, que
les portugais émigrés ne
puissent pas émettre leur avis
concernant une question cruciale
de société et de fond, au motif
"qu'ils ne seraient pas sensés
être concernés par
la loi,
ou sensés ne pas être informés
sur la question".
Les portugais
émigrés sont-ils "plus
concernés sur le plan légal",
"mieux informés" ou
"davantage
portugais" lorsqu'il s'agit
de préserver la carrière
d'un politique de passage, que lorsqu'ils
doivent s'exprimer sur un sujet
profond qui demeurera probablement
gravé dans l'Histoire du Portugal
?
Les émigrés
portugais résident pour la plupart dans
des pays s'étant prononcés sur
la question de l'IVG depuis
parfois des décennies déjà,
et ont assisté ou participé aux
débats sur le sujet bien
avant que le Portugal n'en débatte.
Entendre une telle incohérence
dans les discours, prouve qu'ils ne sont réellement pris
que pour des morues aux contours
cérébraux lissés, mais en aucun
cas pour des portugais à part
entière méritant
dignité et respect.
N'existe-t-il pas quelque part un défenseur
suprême déclaré par la République
comme étant le gardien intègre
des droits et de l'égalité de "tous" les portugais, et
vêtu d'un habit taillé par tous ceux qui l'on
porté au pouvoir ? Ou ne porte-t-il
qu'une couronne de silence sur
un trône de circonstance ne
servant que de décor ?
Est-il possible
qu'il accepte une
telle hérésie envers un tiers
de la population portugaise
?
Questions
:
- En
supposant qu'après le référendum
du 11 février 2007, l'IVG persiste
à être pénalisée au Portugal,
et qu'une portugaise résidant
actuellement à l'étranger décide
de revenir vivre au Portugal,
(ce qui est son droit), et y
soit condamnée pour IVG... considérerait-elle
comme juste la sanction
imposée (alors qu'on l'a empêchée
de s'exprimer sur la question
tout en étant portugaise), ou
porterait-elle en toute logique
la question devant les instances
Européennes de justice,
en invoquant ses droits citoyens
bafoués ? On imagine sans peine
les remises en question et les
probables tumultes que l'affaire
engendrerait, et à juste titre.
Les politiques
carriéristes portugais se prononçant
ouvertement contre le vote des
émigrés au référendum, ont-ils
un instant songé à cette éventualité
?
- La question
de l'IVG au Portugal présenterait-elle
une particularité typiquement
portugaise qui la rende spécifique
et incompréhensible pour ceux
ne suivent pas les débats partisans
dans le pays ?
- S'agirait-il
d'un simple habillage du "moyen-âge"
qui craindrait sans oser l'avouer, l'ouverture
d'esprit du "futur"
en baillonant volontairement 1/3
de sa population vivant hors
de ses frontières ?
- Ou est-ce
enfin et simplement l'avoeu
définitif par les actes, du
manque total de considération
envers les portugais émigrés,
les réduisant à des portugais
de 2è zone ?
Il n'en reste
pas moins que "ces portugais
au rabais", (qui devraient qui plus
est probablement se voir bientôt privés d'un
certain nombre de leurs consulats),
seront contraints de demeurer
muets. Ce n'est qu'une
étape de plus, mais ô combien
symbolique et importante, dans
"l'éloignement du Portugal
de fait" qu'on amplifie
à leur encontre en leur
imposant le silence.
Tristesse,
désolation ou honte ?
Le
Portugal s'éteint ainsi en
partie quelque part. Et la plupart
des politiques portugais
sont les premiers à appuyer
sur le bouton, persistant à dédaigner
et à entretenir irrémédiablement
dans l'ombre, des millions de
ceux qui ont activement contribué à ce
que le Portugal se maintienne sur
les rails pendant des décennies,
qui ont fabriqué le Portugal
hors frontières, qui se sont
accrochés à leur
culture malgré les absurdités
et les puérilités endurées, et qui tentent désespérément
de se convaincre mais en vain,
que le Portugal, leur Portugal, existe
encore pour eux... Mais ce ne
sera probablement que
dans une autre vie.
31 janvier
2007 - Mario Pontifice - Portugalmania
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