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La Portugaise

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La nuit joue de drôles de tours...

C'est donc ça les fameux cent pas ! Se dit Antoine allant et venant dans ce couloir vide.

Si les regards usaient les montres, la sienne serait bonne à jeter, vu le nombre de fois où il l'a regardée depuis une vingtaine de minutes.

Cette interminable attente s'interrompt enfin grâce à l'arrivée de la jeune femme tenue par deux infirmières. Ces dernières se dirigent lentement mais directement vers la chambre 23.

Ayant aperçu Antoine à l'autre bout du couloir, les deux soignantes lui ont fait signe d'attendre un peu avant de rentrer dans la chambre.

Après quelques minutes, les deux femmes en blouse blanche sortent enfin, donnant à Antoine l'autorisation de rejoindre la patiente.

- Bonjour Antoine ! Lui lance la jeune patiente sur un ton presque souriant, alors qu'il n'a même pas encore refermé la porte de la chambre derrière lui.

- Bonjour. Répond-il, essayant d'entrevoir par avance sur le visage de la jeune femme, un hypothétique fragment de réponse à la question qu'il va s'empresser de poser.

- La réponse est non ! Lui dit-elle immédiatement, avant-même qu'il n'ait eu le temps de demander quoi que ce soit. Elle poursuit...

- Non, Antoine. L'examen n'a pas été concluant. Finit-elle, bizarrement sans la moindre expression négative sur le visage.

A ce stade, poursuit-elle, d'après les médecins je devrais avoir entièrement recouvré la vue. Or il s'avère qu'après l'examen d'aujourd'hui, rien n'a évolué sauf peut-être un léger point positif que je ne saurai pas vous détailler en termes médicaux. Ca reste inexplicable pour les docteurs, mais je dois me rendre à l'évidence. Finit-elle sur un ton stoïque.

Antoine accuse le coup mais ne souhaite en aucun cas laisser paraître son énorme déception. Oui, mais quoi dire sur l'instant ? Quels sont les mots justes que l'on pourrait prononcer à un moment pareil ? Lui qui d'habitude démontre plutôt une certaine aisance à s'exprimer, se retrouve là, face à un néant désespérément injuste et totalement inacceptable.

Il sait que les premiers mots qu'il prononcera peuvent être importants pour elle, car quelques jours lui ont suffi pour sentir qu'elle a une grande confiance en son intuition et en son jugement. Mais quoi dire ? Ciel, terre, galaxie, aidez-moi ! Se dit-il intérieurement pendant une fraction de seconde qui lui semble durer des siècles.

- Fatima ! Lance-t-il soudain en guise de réponse. Nous allons nous rendre à Fatima cet après-midi. Finit-il.

- Aller à Fatima ? C'est gentil, Antoine, mais c'est impossible. Je suis internée et je ne peux pas sortir d'ici.

- Aucun problème. Tout est arrangé, répond-il.

Voyant l'étonnement de son interlocutrice, l'homme lui explique alors qu'il a eu une conversation téléphonique avec le médecin qui la suit, et qu'ils sont arrivés à un accord. Il ne semble pas inutile qu'elle se change totalement les idées en passant un moment hors du cadre restreint de la clinique.

Le fait de s'aérer l'esprit pourrait ainsi fortement diminuer le stress qui inévitablement la tenaille. Or pour le médecin, il n'est pas exclu que le stress accumulé consécutivement à l'accident, soit une des causes fautives de la persistance du léger "rétrécissement" décelé sur une des fibres optiques provenant des cellules nerveuses de la rétine de la jeune femme.

Autrement dit, même si cela vient à s'avérer inefficace, cela ne coûte rien d'essayer de changer les idées de la patiente, et Antoine s'est évidemment porté volontaire pour parvenir à la distraire du mieux possible jusqu'au soir. Il a cependant du "négocier" les horaires. Elle devra être de retour à la clinique avant minuit pour des questions d'assurance et de logistique relative au personnel de surveillance de nuit.

En entendant les paroles d'Antoine, l'esprit de la jeune femme semble s'éloigner. Son visage marque un franc étonnement,  trop évident pour échapper au regard de son interlocuteur. En fait, elle paraît totalement éberluée par ce qu'elle entend.

- Ca ne semble pas vous faire plaisir. Dit Antoine un peu surpris.

- Euh... Non, ce n'est pas ça. Au contraire, je suis vraiment ravie par ce que vous m'annoncez. Mais je suis déconcertée par - elle hésite à poursuivre - ... par la ressemblance avec un rêve que j'ai fait hier pendant ma mini-cure de sommeil de 24 heures, et que vos paroles ramènent subitement à mon souvenir de façon presque parfaite. Dit-elle.

- C'est incroyable. Ne m'en demandez pas plus, Antoine, car je suis gênée, mais j'avoue que ce que vous venez de me dire me laisse stupéfaite. Tout se bouscule dans ma tête et je me demande même si là encore, je ne suis pas en train de rêver. Excusez-moi, je... je suis... je ne sais plus... je suis totalement déboussolée, répond-elle en bafouillant,  finissant par se mettre le visage entre les mains.

Antoine ne comprend pas, mais respecte le désir de son interlocutrice et ne cherche pas à approfondir le sujet, loin, très loin de se douter de toutes les images subitement rappelées au souvenir de la jeune femme, et qu'elle voit défiler à cet instant dans sa tête...

A suivre...

 

 


 

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