| | Le saviez-vous ?
Les touradas ont lieu de mai à octobre. |
| |
|
|
Moment de folie...
Sous les yeux
ébahis des spectateurs et le regard stoïque
du taureau en pleine récupération
de ses courses effrénées, une silhouette
pénètre soudain dans l'arène.
Cette ombre prend vite la forme d'un homme, jeune,
très jeune même.
Du haut de sa vingtaine d'années
il esquisse un sourire digne d'un grand acteur à
succès, lui qui ne sera gratifié si
tout va bien, que d'une mince récompense
pécuniaire inversement proportionnelle au
danger qu'il va subir.
Et pourtant il va jouer sa pièce,
son film dont la fin est incertaine. C'est probablement cette
incertitude qui rend son sourire un peu tendu. Son
visage est noble et la pureté de ses traits
éclairés par la lumière régnant dans
l'arène, se distingue de loin. Ce sourire
tendu mais fièrement arboré, laisse
entrevoir la blancheur de ses dents dont l'éclat
contraste
avec la couleur du taureau, visiblement intrigué
et étonné par cette apparition aussi
soudaine qu'inconsciente.
Folie !
Aucune mère
sensée au monde ne laisserait son fils descendre
ainsi dans une arène pour se poster face à
un taureau. Et il ne s'agit pas pour le jeune
homme de tenir compagnie à l'animal, mais
de l'affronter à mains
nues ! Folie ! Semblent crier dans toutes
les langues les spectateurs non initiés,
visiblement interloqués par le scénario
surprenant. Stupéfaits, ils assistent les
yeux ronds et grands ouverts à la descente
du jeune en enfer. L'homme avance lentement, pas
à pas, jusqu'à se positionner exactement
dans la trajectoire du taureau, face à lui.
Sept autres "forcados" vont
le suivre lentement sur l'arène et se placer à
quelques mètres derrière lui, un par
un, en file indienne, de façon à absorber
la puissance de la charge de l'animal en fin de course.
| Que la vie est fragile...
Le taureau a maintenant
récupéré de ses efforts antérieurs
et semble se dire qu'il faudrait bien plus que
ces quelques bipèdes à l'équilibre
précaire pour contenir son assaut. Le jeune
homme est désormais exactement dans la trajectoire
du taureau. Il lui fait face.
A cet instant précis la
vie d'un être humain semble bien fragile.
Même en se croyant aventurier
en herbe, on pourrait imaginer être à
tout autre endroit de la terre, mais pas à
la place de cet homme.
Deux cornes menaçantes
pointent vers ce dernier, comme amusées un
instant par cette espèce d'inconscience dont
le jeune homme fait preuve. Entre ces cornes dressées
comme des outils tranchants au bout
desquels la vie d'un homme pourrait prendre fin,
deux yeux étonnés et intrigués
semblent guetter comme un signal : celui du départ
du combat. L'animal parait être comme dans
un starting bloc, attendant sagement que tout soit
en place.
Un silence glacial...
Un
silence religieux s'est installé
dans les gradins.
Les visages sont aussi intrigués que tendus.
Les yeux s'écarquillent. Dans les têtes
des spectateurs se bousculent un tumulte de pensées
et d'interrogations, ainsi qu'une réelle sensation
de folie. L'expression de certains spectateurs laisse
entrevoir une espèce
de culpabilité d'assister ainsi, volontairement
et en voyeurs à un événement
archaïque qui ne devrait pas être, pas
ainsi, pas à notre siècle. Tout peut
se passer et ils restent là, impassibles,
cloués sur place, comme dépassés
et ébahis, subjugués
par le courage ou l'inconscience de ce jeune "forcado".
Le silence se fait pesant au point
qu'il est devient un danger. A cet instant,
le moindre bruit perceptible par l'animal
peut le faire partir de façon imprévue.
Il règne maintenant dans cette arène
une sorte de climat d'attente où chaque
seconde parait un siècle...
|
Le moment de vérité ...
Le face à
face est vraiment installé, avec
visiblement la complaisance inexplicable de l'animal.
L'homme est face au taureau et face
à l'incertitude. Ses yeux brillants parviennent l'espace
d'une seconde
à croiser ceux de l'animal.
Que peut-il se passer dans la
tête du jeune forcado
? Que ressent-il à cet instant
et à quel rythme bat son cœur
? Il n'est pas là
par folie. La "pega" fait partie de son
être. Depuis son enfance, sa courte vie a
été ponctuée par le danger
permanent. S'il fait cela et s'il prend ces risques paraissant insensés au
commun des mortels, c'est par passion et par
un inexplicable goût du défi transmis
de père en fils. Peu de gens au monde peuvent
le comprendre. Il doit se concentrer et ne penser
qu'à "l'angle de prise" qu'il va falloir adopter
pour affronter l'animal. Ne penser qu'à cela,
rien qu'à cela. Lors de la charge il faudra
qu'il
vise à la perfection. Son corps devra se
positionner exactement entre les cornes du taureau,
avec très peu de marge de manoeuvre pour
ne pas se faire éventrer. Il devra ensuite s'agripper
aux cornes tout en conservant son buste sur le
dos de l'animal. Et il ne devra surtout pas lâcher
prise, car s'il tombe il sera piétiné.
Un signe de croix comme
pour trouver un allié invisible, et le forcado
est prêt. Sa gorge est sèche du fait
de la tension et du stress gigantesque de la situation.
Cette sensation est amplifiée par la poussière
rouge et sèche qui vole dans l'arène.
L'homme doit se libérer et évacuer une
dose de peur inévitable. Il lance un cri
qui semble être autant une libération
de la peur qu'un appel au secours. "Olé
toro !"
L'attention de l'animal
est attirée par cet appel. Le taureau regarde
l'homme comme pour lui accorder quelques frêles
secondes de vie supplémentaire, et s'élance... La distance qui les sépare est d'une vingtaine
de mètres, mais cet espace est bien vite
"avalé" par la charge rapide de
la masse noire athlétique, puissante et décidée.
L'instant de vérité. La seconde où
tout peut basculer... Et tout bascule !
|
Un équilibre précaire...
Le choc est d'une
incroyable puissance ! Lors de l'impact, l'homme a réussi à faire en sorte que son corps
se positionne exactement entre les cornes du taureau,
auxquelles il s'agrippe de toutes ses forces.
Le buste du jeune forcado tient
en équilibre sur le puissant cou du taureau.
La course de l'animal désormais aveuglé par le corps
de l'homme qui s'accroche et ne lâche pas
prise, se retrouve arrêtée par le renfort
des forcados de soutien. Le taureau a été
maîtrisé. La partie est donc gagnée.
Le jeune homme semble
avoir été légèrement
blessé au bras droit. Sur son habit, en
plus d'un accroc bien visible, se mélangent
le sang du taureau et le sien, comme pour marquer
une union ponctuelle de deux êtres vivants,
qui n'ont ni l'un ni l'autre, finalement pas
choisi leur destin.
Après une rapide concertation,
les forcados lâchent prise d'un
seul coup, se dispersent soudainement, et courent
en coeur s'abriter hors de portée de l'animal.
Un seul parmi eux reste sur l'arène, s'accrochant
fermement à la queue du taureau de façon
à l'immobiliser pendant que ses compagnons
sortent. Un picador fait alors rentrer quelques
vaches dans l'arène, et ces dernières
vont très vite convaincre le taureau de rentrer,
ce qu'il fait avec complaisance.
Le "spectacle"
est fini... Mario Pontifice
|
|
|
|