portugaise

La Portugaise

10

 


 

 

Amour imperturbable

Je suis vraiment désolée, dit-elle à son voisin. Je me suis endormie sans m’en rendre compte. Je ne me suis même pas aperçue du décollage.

Je, euh, je suis confuse. J’ai du vous gêner ainsi blottie contre vous ? Questionne-t-elle.

-  Absolument pas. Répond le jeune homme, compagnon de circonstance. Au contraire, ce fut un plaisir de vous servir de support, ajoute-t-il en riant. Votre tête tombante m’invita tant de fois au contact, que je ne pouvais refuser une telle invitation.

Tout en commençant à goûter la viande de porc qui vient de lui être copieusement servie, elle questionne - J’espère que je n’ai pas dit de bêtises pendant mon sommeil ?  

-  Rassurez-vous, ce n’est pas le cas. Répond son voisin. Rien d'indiscret, ajoute-t-il souhaitant visiblement la rassurer. A part un mot que vous avez prononcé à  plusieurs reprises de façon très distincte. Vous deviez sans doute rêver. Répond le jeune homme, qui ajoute aussitôt, - Hum, délicieuse cette viande de porc, c'est rare dans les avions.

- En effet, dit la jeune femme. Vraiment succulente. Mais elle revient vite au sujet qui la préoccupe, et poursuit sur un ton craintif - Euh, un mot ?

-  Oui, je suis désolé de ce partage bien involontaire de votre intimité, mais vous avez prononcé plusieurs fois le mot « Portugal » presque à voix haute. Vu qu'il s'agit de la destination de notre voyage, ce n'est pas très étonnant, mais au nombre de fois où vous avez prononcé ce mot, c'est un pays que vous devez aimer ! Ajoute-t-il exclamatif.

Que n’a-t-il pas dit là. Elle est aux anges.

-   Si j‘aime le Portugal ? Je ne le connais pas complètement, mais je suis allée un peu partout, dans toutes les régions. Dit-elle. Très bientôt, j'envisage d’en faire le tour complet, un peu plus en profondeur.

Si j’aime le Portugal ! S’exclame-t-elle. Oui, j’aime, j’aime, comme on peut aimer un pays qui me procure des sensations étonnantes et uniques, ajoute-t-elle avec un enthousiasme débordant qui laisse le jeune homme pantois.

J’aime profondément ce pays, les valeurs terriennes qu’il s’attache à préserver, la chaleur de ses pierres. Elle poursuit d'une voix douce mais enjouée - Je suis peut-être aveugle,  mais pour moi, ses défauts sont des qualités.

- J’aime y respirer l’air du large, de cet océan qui envelope le pays comme une mère protectrice. J’aime épouser le contour de ses montagnes. J'adore humer l’odeur des pins et des eucalyptus tandis qu'ils se font transpercer par les rayons encore colorés d’un soleil couchant. Je m'imprègne du silence de ses couleurs criardes, paradoxe, paradoxe ! Même si pour moi elles sont abstraites, elles ne sont pas ternes.

Une soudaine perturbation semble faire chuter l'avion dans une sorte de trou d'air béant. Une descente d'une petite seconde, mais l'homme accuse visiblement le coup et la part du déjeuner restant dans son assiette aussi, puisque la  viande de porc s'empresse de jaillir par-dessus l'assiette, allant atterrir directement au sol. Dommage. 

Il s'agrippe aux accoudoirs de son fauteuil le temps de récupérer de sa surprise, tandis que la jeune femme, imperturbable, bronche à peine, et poursuit dans son élan.

 

 

Tournez la page

La portugaise - © Portugalmania