Antoine n'a pas le temps de répondre que déjà l'hôtesse
leur demande s'ils souhaitent une coupe de champagne
offerte par le commandant de bord.
- Champagne offert ? Répond la jeune femme à l'hôtesse sur
un ton étonné. C'est effectivement la fête. Soit,
j'en prends volontiers une coupe.
Antoine opte lui aussi pour ce choix. Peu de temps après,
les passagers se retrouvent tous une coupe
de champagne à la main, sans vraiment en comprendre
la raison, un peu étonnés mais au fond ravis par
cette attention aussi étrange qu'inhabituelle.
Le commandant de bord sort alors de sa cabine, fait irruption
au milieu des passagers lui aussi une coupe
de champagne à la main, et s'adresse à eux à voix
haute :
- Mesdames et messieurs, je suis Mario Lourenço votre commandant
de bord. Je tenais à me joindre à vous, afin de
trinquer.
- A quoi trinquons-nous, demande alors un passager ?
- Au 1er avril ! S'exclame le commandant de bord ne
pouvant contenir un sourire malicieux, appuyé par
le personnel de bord, réuni pour la circonstance.
Soudain, les rumeurs fusent. Rires et éclats de voix se mêlent
l'unisson, l'avion se transforme en une sorte
de gigantesque foire où chacun y va de son commentaire,
créant ainsi une prodigieuse et impromptue agitation
conviviale entre les passagers, visiblement soulagés
par l'aveu du pilote et de son amusante initiative.
L'atmosphère est désormais bon enfant, et il règne une véritable
cohésion entre les passagers tous unis dans un voyage vers
le Portugal devenant soudain plus sympathique encore.
- Je vous offre à titre personnel cette coupe de champagne
afin de me faire pardonner la piètre qualité de
mon humour, dit
le commandant de bord. C'est ma façon de fêter le
1er avril. Il ne se passe pas une année
sans que je marque cette journée traditionnelle,
de façon pas toujours drôle je vous l'accorde. Je
tiens donc à vous rassurer, le prétendu incident
et le retour à Paris ont été inventé de toutes pièces,
ce n'était qu'un poisson d'avril. Nous nous dirigeons
bien en direction de Lisbonne et tout se passe pour
le mieux. Je lève ma coupe à votre voyage, à notre
voyage, ainsi qu'à votre tolérance envers mon
humour.
- Ouf, fait Antoine à sa voisine. Je préfère nettement ça.
Et je trouve vraiment l'idée sympa et originale.
Il n'y a pas de raison que les pilotes ne puissent
pas eux aussi marquer la date à leur façon, ajoute-t-il.
- Effectivement, pour une surprise, c'est une surprise. Je
ne me souvenais plus du tout que nous étions le
1er avril, mais me souviendrai, de ce voyage, répond-elle.
- Bon, je vais visiter les toilettes quelques secondes, dit la
jeune femme. Si par hasard le pilote annonce qu’il lui prend l’envie de faire
des loopings, surtout, prévenez-moi poursuit-elle en riant.
- Comptez sur moi, répond Antoine. Tandis que la jeune femme s’éloigne lentement,
une hôtesse revient vers lui.
- Monsieur, désirez-vous autre chose ? Un
rafraîchissement, un café ? Une autre coupe ?
- Non, merci répond-il, tout va bien. Nous arriverons bien à
l’heure alors ? Pas de retard en vue ?
- Non, répond l’hôtesse. Comme vous voyez le temps s'améliore
nettement. Nous devrions arriver à Lisbonne
dans trois quarts d'heure.
- Parfait, répond-il. Merci.
L’hôtesse s’éloigne et un
passager s’approche alors d’Antoine, et lui
demande :
- Excusez-moi Monsieur, êtes-vous le frère de la jeune
femme qui vous accompagne ?
Surpris, Antoine répond uniquement
par un « non » de faible intensité, et ajoute quelques instants
après, - Mais si vous désirez des renseignements, elle ne va pas tarder à
revenir. Vous la connaissez ? demande-t-il ensuite sur sa lancée à
l’inconnu.
- J’ai cru la reconnaître en la voyant se
lever, mais je pense que je dois me tromper de personne. Cette jeune femme
n’est pas la personne que je pensais. Et il
disparaît vers l’avant de l'avion après avoir remercié Antoine.
Après quelques minutes, la
jeune femme revient à sa place et Antoine lui fait part de la
demande du passager inconnu.
Etonnée au premier abord, la jeune
femme semble néanmoins ne pas trop prêter attention
à cet épisode.
Le voyage se poursuit agréablement.
Les deux compagnons de voyage éprouvent manifestement
de la sympathie l'un pour l'autre, et ne cessent
de se parler, au point que le temps passe sans qu'ils
ne s'en aperçoivent le moins du monde.
- Mesdames et messieurs, annonce
le commandant de bord par micro interposé. Nous
avons commencé notre descente sur Lisbonne. Le temps
est ensoleillé et la température extérieure est
de 23 degrés centigrades. Tout l'équipage
et moi-même espérons que le voyage a été agréable.
Nous vous souhaitons un bon séjour dans la capitale
portugaise, et espérons vous retrouver bientôt à bord d'un
avion de notre compagnie lors d'un prochain voyage.
Il poursuit et finit avec un brin
de soleil
dans la voix - J'espère que vous ne garderez pas
un mauvais souvenir du poisson d'avril. Merci pour
votre attention et bienvenue au Portugal.