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La Portugaise

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Arrivée. Lisbonne défile

Antoine éprouve visiblement beaucoup de sympathie pour la jeune femme.

Ils se sont racontés leur vies pendant une bonne partie du voyage, et le courant est manifestement passé entre eux.

Antoine s'aventure.

- Euh, en arrivant, cela vous dirait de prendre un verre ou un café à Lisbonne ? Demande-t-il à sa compagne de voyage. Je vous trouve vraiment sympathique, et j'aimerais mieux vous connaître.

A peine surprise par cette demande et après deux courtes secondes d'hésitation, elle répond par un sourire dont l'intensité et l'éclat remplacent avantageusement une approbation verbale.

L'avion se pose en douceur sur la piste de l'aéroport de Portela, le seul aéroport de Lisbonne. Par les hublots, on devine aisément le couleur du ciel et le temps radieux qui règne sur la capitale portugaise en ce début d'avril prometteur.

- Une chose est sûre, il ne neigera pas aujourd'hui, dit Antoine en souriant.

Les passagers descendent de l'avion un par un.

***

C'est un moment extraordinaire pour moi. Depuis le temps que j'attends ce jour ! C'est comme une naissance, un souffle tourné vers une autre vie, mais bizarrement vers une sorte d'avenir qui me serait un peu familier. A peine ai-je posé le pied sur la piste, qu'un papillon vient se poser sur mon épaule. Difficile d'imaginer un accueil plus chaleureux en arrivant sur le sol portugais. Merci Monsieur le Printemps.

Tous les passagers se dirigent peu à peu vers les deux bus qui les attendent sur la piste afin de les mener jusqu'au hall d'arrivée de l'aérogare.

- Vous avez perdu quelque chose ? Demanda Antoine, s'étonnant de voir le regard de la jeune femme dirigé avec insistance vers le sol.

- Hum, non, répond-elle d'un air amusé. J'aurais plutôt trouvé quelque chose, ajoute-t-elle. Vous voyez cette ombre ?

- Oui, Dieu merci, ma vue me le permet encore, répond-il intrigué.

- Vous savez, dit-elle, j'ai l'impression que cette ombre sur le sol est réellement devenue mienne. J'éprouve le curieux sentiment qu'il s'agit enfin de mon ombre à moi. C'est difficile à expliquer, mais depuis longtemps, j'éprouvais la sensation que mon ombre ne m'appartenait plus vraiment, qu'il s'agissait d'une autre personne. Et elle éclate de rire, en ajoutant : Vous allez me trouver folle.

- En effet, il y aurait de quoi, mais au fond je vous comprends. Vous vous êtes en quelque sorte retrouvée, ou du moins, vous en avez la sensation, répond-il.

- C'est exactement ça. Je viens à peine d'arriver au Portugal mais j'ai la nette impression d'avoir déjà franchi un grand pas. Mon ombre et moi faisons désormais un seul bloc, réplique-t-elle. On se sent plus fort à deux. Je crois que notre ombre est le reflet noir de notre âme. Elle transporte un peu de nos angoisses et de nos peurs, de nos envies secrètes, de notre impuissance, des utopies de la vie, et se métamorphose peu à peu en nous allégeant afin de nous permettre de mieux supporter nos misères.

- Vous voulez dire que c'est un peu notre ange gardien, qui souhaite nous soulager de nos maux ?

- C'est peut-être un peu ça. Comme une autre personne composée d'un peu de nous-même. Elle se détache de nous et devient probablement quelqu'un d'autre quand ça va mal, puis se libère de son poids et se fond de nouveau avec nous quand tout va bien.

Antoine place deux doigts au-dessus de la tête de la jeune femme, en disant : regardez-la ! Votre ombre s'est transformée en lapin. Rires.

Ils montent dans le bus et se tiennent debout face à face pendant ce court trajet.

- Comme vous m'avez raconté toute votre histoire, ça me fait drôlement plaisir de vous voir là, car je vous sais heureuse, dit Antoine. Et au fond, je suis heureux quand les autres le sont aussi, ajoute-t-il.

Sympa ce garçon, pense-t-elle. Ce qui ne manque pas de déclencher sur son visage un sourire déjà radieux par le contexte.

Après les formalités et la récupération de leurs bagages respectifs, ils se dirigent tous deux vers la sortie de l'aérogare de Lisbonne.

Leurs chemins vont probablement se séparer là...

 

 

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