Un
parfum d'insouciance
Le taxi se dirige à vive allure
vers la partie basse de Lisbonne.
Des boutiques d'une grande
diversité se succèdent. Les lisboètes semblent animés
par une curieuse mécanique qui les poussent dans
tous les sens. On va, on vient, on s'agite,
on gigote, on papote. Lisbonne vit.
Dans ce quartier la vie semble
tourbillonner dans une sorte de mouvance désordonnée,
un spectacle grandiose composé d'une multitude de
scènes uniques. Les terrasses bondées des cafés
sont des loges idéales. On parle, on admire,
on respire, on rit.
La voiture emprunte une petite
rue montante. On aperçoit le château Sao Jorge,
le gardien infatigable de la ville, trônant sur
une des sept collines de la capitale portugaise.
Les murailles séculaires de
ce temple de l'histoire lisboète se
dessinent de mieux en mieux tandis que le taxi
s'approche. L'hôtel est là, en plein quartier d'Alfama.
Un hôtel luxueux et charmant.
Il a quelque chose d'anachronique. Sans doute est-ce
du à sa situation dans ce quartier historique
et populaire, probablement un des quartiers
les plus attachants de la ville. Ils entrent dans
le hall de l'hôtel.
- Nous voilà arrivés, dit
la jeune femme.
Deux petites larmes se dessinent
peu à peu sur ses joues, coulant lentement de
ses yeux pourtant rieurs. Antoine s'en aperçoit
et sans rien dire les essuie en passant lentement
le revers de sa main sur le visage de la jeune femme.
Sans un mot, il pose ensuite
sa main sur son épaule, comme pour la rassurer,
ou pour qu'elle retrouve une sorte de
fragile repère, ce qu'il est devenu pour elle
en quelques heures, le temps d'un voyage entre le
bout du monde et le ciel.
- C'est gentil, lui chuchote-t-elle
d'une petite voix fragile. Je suis vraiment une
grosse patate, poursuit-elle naviguant alors dans
un tendre sourire, comme une caravelle satisfaite d'arriver
à bon port. C'est idiot, car je suis heureuse
et je trouve le moyen de pleurer.
Antoine respecte cet instant
par un silence non dénué de complicité et d'évidente
compréhension.
- Pourtant ce n'est pas mon
genre de pleurer pour rien, mais si vous saviez
ce que je suis émue, ajoute-t-elle. Antoine approuve
du regard, visiblement compatissant, et submergé par
une vague de tendresse.
A peine s'éloigne-t-il un
instant, qu'il est déjà de retour avec un sachet
de mouchoirs de poche demandés en toute hâte à la
réception, afin d'éponger ces petites traces de
bonheur qui parfois créent des empreintes aux
couleurs
de pluie.
- Vous êtes vraiment sympa,
lui dit-elle. Vraiment attentionné. Je crois que
c'est
rare. Vous savez, c'est la première fois de
ma vie que je vais séjourner dans un hôtel de ce
genre.
Pour moi c'est une découverte. Ce n'est pas par
folie des grandeurs, mais comme je sais que ce retour
restera inévitablement gravé dans ma mémoire,
je tenais à ce que tout soit beau. Je souhaitais peindre
ce tableau avec
un peu de merveilleux. Vous comprenez
?
- Bien sûr, répond Antoine.
Évidement. Et tout se passera pour le mieux. Avec
l'amour que vous portez au Portugal, il vous doit
bien ça ! Et si nous allions le déguster ce café
? Ajoute-t-il sur sa lancée.
- Volontiers, répond-elle,
profitant soudain d'une seconde d'inadvertance de
la part d'Antoine, pour lui glisser un léger
baiser furtif sur le bout du nez, le temps
d'un éclair, sans doute afin de le remercier d'être là, ce qui laissa son compagnon de voyage
ébahi et cloué sur place. Il n'eut le temps que
d'entendre un fragile "merci", prononcé
avec un sourire éclatant par une princesse
heureuse, la nouvelle princesse de Lisbonne.
- Reprenant ses esprits et
faisant mine de rien, Antoine enchaîne : Inutile
d'appeler un taxi ? On se lance à pied ?
- Ah oui. A pied, car Lisbonne
est une ville ravissante, mais ce n'est qu'à
pied qu'on peut vraiment s'en apercevoir. Et puis
nous nous trouvons près du château dans un quartier
qui ne demande qu'à être découvert. Ce serait vraiment dommage de ne pas en
profiter.
- Banco. Et deux goûts communs
entre nous, deux ! Le café portugais et marcher dans
Lisbonne, s'exclame Antoine à voix haute, tandis
qu'ils déambulent déjà sur les pentes des ruelles
pavées de ce vieux quartier lisboète, laissant derrière
eux le chateau Sao Jorge.