Elle apprécie manifestement
la joie de vivre qui émane d'Antoine, et se dit qu'elle
ne pouvait pas mieux rêver pour son arrivée que
de s'être ainsi fait un ami dès le départ.
- Je vous emmène au belvédère
de Santa Luzia. Ca vous convient ? Demande Antoine,
qui eut droit à un sourire aussi immédiat que complice
pour toute réponse. Elle était dans une
sorte
de rêve. Le
temps l'avait gâtée, elle se
trouve à Lisbonne,
et
elle
se
sent
bien...
De plus, il flotte dans
l'air comme un parfum d'insouciance et d'adolescence
retrouvée, avec un compagnon inattendu
qui s'est
empressé de lui offrir un petit bijou fantaisie
qui pour elle vaut déjà de l'or.
Antoine s'est en effet jeté
sur les bijoux exposés en pleine rue par une marchande
ambulante,
et a directement choisi une pierre émeraude sans
même connaître les goûts de sa compagne de promenade.
- C'est incroyable, lui dit-elle.
Vous n'auriez pas une intuition hors du commun ?
- Hum, non, répond-il. Juste
un peu le sens de l'observation. Il poursuit
: quelle couleur peut-on remarquer à votre poignet
?
En effet, une petite pierre
verte pend à son bracelet, semblant la
laisser pensive l'espace de quelques secondes, ce qui
n'échappe pas à Antoine.
Après
quelques
instants...
- Ne dites rien, c'est inutile,
dit Antoine.
La vie est divisée en moments, en parcelles,
ajoute-t-il.
Il ne faut pas les occulter. Elles ont existé ou
existent encore. Elles nous ont apporté des moments
de bien-être et de bonheur, elles ont donc le droit
de subsister
à la place qui
convient dans nos mémoires et même dans nos coeurs.
En tout cas, toute parcelle de vie qui nous a convenu
mérite du respect.
On n'efface pas l'amour, poursuit-il
voyant que son acolyte féminine semble encore un
peu mal à l'aise. Et puis, je préfère nettement quand
la
princesse sourit, plutôt que quand elle s'enfonce
dans les profondeurs de son être alors qu'elle vit
une des journées les plus importantes de son existence.
Vous ne trouvez pas ?
Au fait, vous m'avez confié
ne pas trop connaître Lisbonne n'est-ce pas ?
Ajoute-t-il.
- Oui, enfin, j'y suis venue
mais je n'y ai jamais vraiment séjourné. Je connais
un peu, et le peu que je connais, j'apprécie. Je
dois
dire que ça me fait tout drôle qu'un français connaisse
mieux Lisbonne que moi. Mais au bout de huit jours,
ça va changer. Et...
- Vous voyez cette église,
dit Antoine en lui coupant la parole, c'est
l'église de Saint Antoine.
- Votre église ! Lance-t-elle
en riant. Antoine, c'est bien le Saint
Patron
de Lisbonne n'est-ce pas ?
- Non. Ce n'est pas lui...
- Et de trois ! S'exclame-t-elle.
Voyant qu'Antoine ne comprenait pas à quoi elle
faisait allusion, elle poursuit : oui, trois points
que nous avons en commun. Nous sommes tous
deux de grands bavards !
- Ils s'engagent ensemble
dans une sorte de fou rire battant le même tempo,
et ne sont coupés dans leur élan que par le soudain
passage
d'un tramway.