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La Portugaise

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- Hummm. Vraiment délicieux ce café. Rien que pour ça, le Portugal mérite le détour. Dit Antoine.

Donc, en étant en France, vous aviez l'impression que le train avançait, et que vous demeuriez sur le quai impassible et en spectatrice ? Ajoute-t-il.

- Sans doute. Répond-elle. Mais ce n'est pas aussi définissable que cela. J'avais une vie normale, mes repères, et comme vous évoquez le train, j'y avais sans doute mon train-train comme beaucoup d'autres. Tout compte fait, je pouvais être heureuse.

Mais un manque indéfinissable qui doit ressembler à une sorte d'espoir aux contours flous, résidait en moi en permanence. Ca doit paraître étrange à quelqu'un qui n'est pas dans ce cas. En tout cas, le pas est franchi désormais.

- Vous savez quoi ? lança-t-il. Je crois que je suis en train d'amenuiser votre joie d'être au Portugal.

- Pourquoi dites-vous ça ? rétorqua-t-elle.

- Car je monopolise peut-être un peu votre attention en vous distrayant, et vous pensez sans doute moins au contexte et à savourer les prémices de ce moment unique que vous avez tant attendu.

- Non, ne dites pas ça. Je vous assure que ressens vraiment une sorte de bonheur à être là. Je ne réalise pas encore vraiment, mais même si j'étais seule à contempler ce paysage, je ne réaliserais pas davantage. Au contraire, je suis sincèrement ravie de vous avoir rencontré, et surtout que vous soyez là. Autant vous dire que je vous trouve vraiment sympa. Voilà, c'est dit ! finit-elle de préciser avec un perceptible brin de tendresse dans le regard.

- Soit. Je le prends comme un compliment, et je vous le retourne. Et si nous allions à l'hotel, après toutes ces gentillesses ?

- Heu...Je...C'est à dire ? Marmonne-t-elle visiblement interloquée.

- Ah ah. Mais non ! S'exclame-t-il en riant, saisissant soudain la méprise. Je voulais dire "on repasse à votre hotel", car il faut bien que je récupère mes bagages afin de rejoindre le mien, et puis vous devez avoir envie de vous rafraîchir et de vous poser un peu.

Elle approuve. "D'accord, allons-y ! Merci beaucoup Antoine, pour ce délicieux café que je n'oublierai pas de si tôt."  Ce fut un moment vraiment charmant. Ajoute-t-elle.

Antoine dépose quelques pièces sur la table afin de régler l'addition, et ils se lèvent.

La rue est mouvante et animée. Promeneurs et gens pressés s'y croisent au gré du hasard. Les deux nouveaux lisboètes fraîchement arrivés reviennent sur leurs pas en direction de l'hotel.

- Il faut que j'appelle mes parents. Dit-elle. Je peux le faire tout en marchant. Vous permettez ?

- Je vous en prie. Dit Antoine. Pendant ce temps j'en profite aussi pour contacter mon hotel afin de bien leur confirmer mon arrivée. Vu l'heure, il ne faudrait pas qu'ils annulent la chambre pensant que je ne viendrai pas.

Ils marchent tous deux côte à côte, leur téléphone respectif collé à l'oreille, descendant lentement la ruelles aux pavés luisants.

Tout en téléphonant ils s'apprêtent à changer de trottoir, ce que fait d'abord Antoine sans peut-être même s'en apercevoir. Elle le suit maintenant deux mètres derrière, ayant marqué une légère hésitation en voyant un bus à l'arrêt. Non, pas de danger, se dit-elle inconsciemment, il est bien en attente. Elle traverse donc la rue devant le bus arrêté... Sans imaginer une seconde qu'un bus à l'arrêt peut en cacher un autre en mouvement...

Un concert de cris simultanés déchire soudain ce quartier populaire de Lisbonne, engendrant une sorte de prière retentissante, empressée de se dissoudre dans une montée subite vers le ciel. Un profond silence s'ensuit...

 

 

 

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