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La Portugaise

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Elle le remercie par un franc sourire pour ses mots, et enchaîne par une multitude de questions quant aux aspects pratiques.

- Ne vous en faites pas, la rassure Antoine désireux de la libérer de tout souci. Après l'accident poursuit-il, j'ai récupéré votre téléphone. Je me suis permis d'y chercher le dernier numéro appelé, celui de vos parents. J'ai été gratifié par un dernier sursaut de la batterie. Heureusement.

Comme au moment du choc vous étiez en ligne avec eux, ils ont vécu l'accident en direct. Votre téléphone est tombé, mais la communication n'a pas été coupée. C'était terrible car ils entendaient tout ce qui se passait, et sont restés à l'écoute jusqu'à ce que la batterie de votre téléphone ne les coupe de la réalité. Ca n'a pas du être facile à vivre.

Je les ai alors appelés à plusieurs reprises afin de les rassurer. Maintenant ils vont mieux, mais ils attendent de voir l'évolution des choses afin de décider s'ils viennent à Lisbonne ou pas pour vous voir. A vrai dire en apprenant l'accident, votre frère a immédiatement réservé trois billets d'avion pour Lisbonne. Mais je leur ai conseillé d'attendre un peu, en leur promettant de les tenir au courant. Ce que je viens de faire il  a dix minutes, sans leur faire part du problème des yeux. Ca, c'est à vous de voir, euh... si je puis dire.

- Ca a du être dur à vivre pour eux. Suivre l'accident de leur fille à distance et en direct, et ne rien pouvoir faire... J'imagine ! dit-elle. Le médecin m'a confirmé que je pourrais me lever dès ce soir et être complètement libre de mes mouvements à condition de demeurer dans un environnement tamisé. Le seul handicap sera mon bandeau autour des yeux. J'appellerai donc mes parents et mon frère dès que je me lèverai. Mais je n'évoquerai pas le problème des yeux tant que je ne saurai pas.

Antoine, vous êtes un trésor, poursuit-elle. Et vous ? Votre job ? Comment faites-vous ?

- J'ai tout réglé. En fait comme je vous l'ai dit, je suis venu à Lisbonne pour une mission de deux mois, mais mes futurs collaborateurs portugais ont eu quelques ennuis et pris du retard sur le projet. Du coup je devrais rentrer en France demain et ne revenir à Lisbonne que dans une dizaine de jours. Mais j'en ai alors profité pour prendre cette dizaine de jours en vacances. Je reste donc à Lisbonne et je suis libre de mes mouvements. Vous allez devoir supporter quelques visites.

- Il ne faut pas Antoine, dit-elle. Vous n'allez pas gâcher dix jours de vacances et perdre votre temps à Lisbonne au chevet d'une accidentée ? Et votre hotel ?

- Je les ai prévenus que j'étais bien arrivé. Je leur ai tout raconté. Ma chambre est donc réservée, mais je n'y suis pas encore allé bien sûr. Mes affaires sont toujours avec les vôtres à la réception de vote hôtel. Ne vous inquiétez pas, je les ai également prévenus. Tout est en ordre. Ils prennent soin de nos affaires respectives en attendant que je passe les chercher. J'y passerai tout à l'heure. Ne vous en faites surtout pas, je m'occupe de tous ces aspects matériels.

Guidée par la voix du jeune homme, elle tend alors le bras en sa direction cherchant à trouver son contact. Antoine  s'empresse de lui tendre une main, qu'elle serre alors de toutes ses forces, sans dire un mot.

Après un moment de silence...

- Pourquoi c'est arrivé ? demande-t-elle.

- La vie, dit Antoine. La vie, répète-t-il. Parfois elle nous gâte, et d'autres fois elle nous empêche de passer de l'autre côte du miroir magique, celui dont nous rêvons tous, et qui contient peut-être la part de bonheur à laquelle nous aspirons sans le savoir.

- Pas de chance, répond-elle.

- Pas de chance hier, mais elle ne passe pas qu'une fois. Elle repassera bientôt. Je vous donnerais bien ses horaires de passage, mais je ne les ai pas sur moi. Essayez ce jour-là de vous mettre sur votre trente et un ! Dit-il en souriant.

Ce sourire a été communicatif, car les lèvres de la jeune femme se désunissent, esquissant un signe rieur, le vrai premier sourire depuis qu'elle a repris ses sens.

Elle enchaîne : Et si vous vous occupiez enfin un peu de vous ?

- Oui, répond-il. Maintenant que je vous sais sereine je vais filer chercher les affaires à votre hotel, puis rejoindre le mien afin de dormir un peu et me refaire une santé. Je crois que ça s'impose. Je repasserai vous voir demain matin. D'accord ?

- A demain, dit-elle en guise d'approbation pendant que le jeune homme file déjà.

- Antoine ? lance-t-elle, alors qu'il tient déjà la porte de la chambre par la poignée, s'apprêtant à sortir.

Il s'arrête un instant et regarde dans sa direction.

- Merci. Lui lance-t-elle d'une voix copieusement empreinte de tendresse.

Elle récolte un sourire qu'elle ne peut malheureusement pas percevoir. Puis Antoine quitte la chambre.

Après le départ de son ange gardien elle se sent emplie d'un sentiment de vide soudain, ce vide qui paradoxalement peut parfois sembler envahissant. Elle se laisse alors  emporter par ses pensées qui finissent par lui faire franchir la barrière de la conscience, et s'endort paisiblement.

 

 

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