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La Portugaise

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- C'est que voilà, commence à dire le jeune homme visiblement embarrassé. Tout à l'heure, quand je vous ai livré les fleurs, je n'ai pas été correct.

- Ah ? Lance la jeune femme d'un ton interrogatif. Et elle poursuit en plaisantant : Ne me dites pas que vous m'avez caché un deuxième bouquet !

- Euh, non. Dit le jeune homme. Comment vous dire ça ? J'ai l'air idiot. Je suis désolé. Tout en démontrant une réelle gêne, il poursuit néanmoins...

- Voilà. Quand tout à l'heure j'ai posé le vase et les fleurs sur votre table de chevet, j'ai euh... j'ai pris une pièce de 2 Euros qui s'y trouvait et je l'ai mise dans ma poche. Je sais, c'est un comportement complètement nul.

La jeune femme paraissant tomber des nues et ne sachant pas trop quoi répondre devant la situation, dit : Ah bon ? Une pièce sur la table ? Je ne vois pas. C'est le cas de le dire. Je ne comprends d'ailleurs pas pour quelle raison cette pièce se trouvait sur la table de chevet. Mais pourquoi êtes-vous revenu ? Le remords ?

- Oui, répond le livreur. J'ai abusé de la situation en comprenant que vous étiez incapable de me voir. C'est vraiment lamentable, insiste-t-il, en ajoutant : mais il n'y a pas que ça.

- Ah ? Et quoi d'autre ? demande la jeune femme.

- Vous avez du entendre parler de la fameuse pièce soi-disant porte-bonheur ? Répond-il interrogatif.

- Euh, non, je ne sais pas du tout à quoi vous faites allusion. Répond-elle dans la foulée. Vous savez, ou plutôt vous ne savez pas, j'arrive à peine à Lisbonne.

- Ah! Au Portugal on ne parle que de ça depuis la sortie du livre, dit-il.

- Du livre ? Et si vous m'expliquiez tout cela ? Demande-t-elle dans la foulée.

Le jeune homme se lance alors dans des explications complètes et la description d'un livre écrit par une certaine Carmina Rodrigues, dans lequel elle démontre avec brio, que certaines pièces de monnaie sont de véritables porte-bonheur. Le tout est appuyé sur plus de 200 pages par une multitude de faits précis et des statistiques irréfutables, démontrant et appuyant sa thèse.

- Ce qui est curieux, c'est que l'auteur n'est pas une voyante ou quelque chose du genre, dit le jeune homme, après avoir expliqué en détail le contenu du livre à son interlocutrice.

- Et bien ! Fait la jeune femme. Vous avez bien du me tenir en haleine pendant une bonne demi-heure. C'est assez rocambolesque, cette histoire. Mais vous y croyez à ces pièces porte-bonheur ?

- Ah oui. Et plutôt deux fois qu'une. Répond-il du tac au tac. Vous avez bien vu que tout se tient dans ce qu'elle dit. Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle son livre fait autant jaser. C'est pratiquement impossible de la contredire. D'ailleurs, personne ne s'y risque, et ce qui est vraiment fort, c'est qu'elle a même réussi à rendre sceptiques certains scientifiques. Finit le jeune livreur d'un ton enthousiaste.

- Admettons. Mais quel rapport tout cela a-t-il avec moi ? Demande-t-elle.

- La pièce ! La pièce de 2 Euros que je vous ai... euh... emprunté. Dit-il. En sortant de la clinique, je l'ai regardée et j'ai eu la surprise de m'apercevoir que c'est une de ces pièces relatées dans le livre. Ajoute-t-il.

- Ah ? Vous êtes sûr ? Dans ce cas pourquoi ne pas l'avoir gardée pour vous ? Demande-t-elle.

- Pas question. Dit-il d'un ton ferme. Tout le monde sait bien qu'un porte-bonheur volé produit l'effet contraire, ajoute-t-il dans la lancée.

- Et bien ! Il s'en passe des choses sans que je n'en sache rien. Lance la jeune femme d'un ton amusé. En tout cas, il ne faut pas vous sentir coupable, car votre démarche a en quelque sorte annulé le geste initial, poursuit-elle.

- Vous ne croyez pas à tout ça, hein ? Lance-t-il percevant le ton quelque peu amusé de son interlocutrice.

- Si, je peux croire en ce genre de choses. J'ai même des raisons personnelles d'y croire. Mais ce que vous me dites-là est tout de même très abracadabrant. Répond-elle. Et puis en fait je crois surtout que je suis encore fatiguée. J'ai eu un accident. C'est trop récent et je suis probablement encore un peu dans les nuages. Excusez-moi. Finit-elle.

- Bon. D'accord. Je comprends. Excusez-moi, je ne vous ennuie plus. En tout cas je remets la pièce sur la table de chevet. Encore pardon, et j'espère que vous ne m'en voulez pas. Dit-il.

- Pas le moins du monde. C'est très gentil d'être revenu, et c'est même courageux. Bravo. Dit-elle. Et puis merci de m'avoir fait connaître cette histoire de pièces porte-bonheur. Finit-elle de dire, avant que son interlocuteur prenne congé.

Cinq minutes à peine après que le jeune homme s'en soit allé, elle ne pense déjà plus à cette histoire, elle prend la clé des songes afin d'ouvrir une fois encore la porte du pays du sommeil, celui dans lequel nous aimons tous nous rendre quand le besoin de récupération devient trop évident.

 

 

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