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La Portugaise

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De loin mais face à eux, la mer contemple les deux tourtereaux côte à côte, visiblement l'air ravis d'être ensemble, se complaisant dans ces instants pendant lesquels se mélangent allègrement paroles et sourires. En focalisant mieux son regard sur le couple, l'océan s'aperçoit que la jeune femme est désormais allongée sur le sable, détendue, et contemplant le ciel à travers ses lunettes de soleil. La grande bleue n'a pas la primeur de tous les secrets que les humains ont enfouis en eux, et se contente des apparences.

Apparence ? Cette main d'Antoine qui glisse prudemment sur le sable vers celle de la jeune femme n'a pourtant rien d'une apparence. Il s'agirait même d'un appel que ça n'étonnerait pas la fille de Poséidon, toute réjouie d'assister en voyeuse absolue au début d'un spectacle dans lequel l'acteur principal sera la tendresse manifestée par ces deux échantillons d'une espèce humaine qui ne lui veut pas toujours que du bien.

Les mains des deux acteurs de cette scène impromptue se rapprochent peu à peu, puis s'enhardissent à se frôler avec délicatesse - hésitations ponctuées par de fragiles contacts  - nuances délicates d'approches timides au résultat incertain  -  questions intérieures inévitables - règles inconnues d'un jeu improvisé - inquiétudes mal dissimulées - langueur - brides évidentes de sensualité  - jusqu'à finir par se rejoindre comme une évidence, comme si cette union charnelle légère et subtile faisait partie du cours normal des choses...

Deux mains jointes sur le sable unissent une chaleur devenue commune pendant quelques instants où la vie s'arrête, où rien d'autre n'a d'importance, où tout autour est une sorte de décor merveilleux n'existant que pour agrémenter ce fragment de vie et ce scénario fragile mais d'une extrême pureté.

Tout en étant empreinte d'une évidente tendresse, cette union délicate de dix doigts n'en est pas moins dénuée de sensations tactiles et profondément sensuelles. Une éternité s'écoule ainsi au rythme doux de deux coeurs qui battent probablement à la même cadence, et qui sans doute aspirent en secret aux mêmes rêves, mais sans oser se le montrer vraiment.

Que la vie est simple parfois, et Dieu, qu'elle sait devenir belle en se fondant avec délectation dans des gestes anodins.

Ô mer, ne crois surtout pas uniquement à ce que tu vois, car rien n'est jamais facile ni définitivement acquis chez ces humains qui ne parviennent souvent pas à s'entendre, et qui font  toujours le contraire de ce qu'ils devraient faire pour atteindre les parcelles du bonheur auquel ils aspirent pourtant. C'est compliqué les humains. Ils sont beaucoup plus complexes que toi, dont on dit pourtant que ton immensité peut être le miroir de l'âme humaine.

Cette apparente union fragile de deux mains n'est qu'un cliché furtif de l'instant, mais il s'agit d'une image magique enrobée d'espoirs présents et qui attisera sans doute des souvenirs futurs plaisants, pouvant même pourquoi pas, alimenter des fantasmes amenés à demeurer enfouis pour l'éternité.

Regarde-les, ces deux-là, Madame la mer. Ils semblent inondés par l'ivresse de ton air pur, mais également par d'autres parfums aux senteurs d'inconnu. Vus de loin ils paraissent paisibles alors qu'en fait leurs corps respectifs se trémoussent probablement dans une intensité intérieure à fleur de peau et difficilement explicable par des mots communs.

Ils sont bien. Ils semblent se peindre peu à peu aux couleurs d'une complicité rare synonyme du véritable amour. La même complicité aussi exceptionnelle que précieuse, qui existe entre les vrais marins et les méandres de tes flots. Ce ne sont peut-être que les prémices d'une histoire qui prend sa source. Mais quoi qu'il en soit, fais-toi discrète et laisse-les apprendre à apprivoiser ces instants.

Renonce à cette sorte de voyeurisme qui ne sied pas à la noblesse de ton âme.

 

 

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La portugaise - ©Portugalmania