Se
ressourcer à Cascais...
Midi trente. Le soleil ne se fait pas prier pour
rayonner. La fameuse douceur d'avril
au Portugal ne peut qu'être confortée par
de chaleureux rayons coulant du bleu du
ciel, et faisant scintiller des milliards de
minuscules perles d'or que nous qualifions
en toute simplicité de sable doré.
Une papillon bleu bat
nonchalamment des ailes au-dessus de la plage
des pêcheurs (praia dos pescadores),
une fenêtre grande ouverte sur la baie de Cascais.
Le majestueux insecte lance un regard amusé sur deux
corps désormais allongés côte à côte et
séparés par dix doigts unis sur
le sable.
Deux mains semblent en
effet se complaire à rester soudées dans
un silence relatif, uniquement ponctué par
les légers clapotis des vagues.
- Ca me rassure de vous tenir la main, Antoine.
Et je me sens bien.
- Qui vous dit que
c'est la mienne ? Lance sont interlocuteur
d'un air moqueur.
- Probablement un fluide
ou un courant. Chaque être humain a
son propre magnétisme que d'autres perçoivent
ou pas suivant les degrés de compatibilité. Mon
magnétisme à moi semble facilement percevoir
le vôtre. Par contre, je ne sais pas si
c'est réciproque. Dit-elle sur un ton interrogatif.
- Ca doit l'être, répond
Antoine. Heureusement que le hasard de la
vie rapproche parfois des personnes ressentant une
véritable osmose entre elles. C'est probablement
une question de chimie. Finit-il.
- Il n'empêche que vous
n'avez pas vraiment répondu à ma question.
Fait-elle remarquer d'un air rieur. Elle poursuit
: Vous devriez faire de la politique.
En s'approchant davantage,
le papillon devine aisément une expression
de bien-être se lisant sans équivoque sur
les visages de ces deux bipèdes. Ils
paraissent puiser dans les rayons du soleil
quelques brides d'insouciance. Leurs lèvres
remuent sans cesse, émettant probablement
des sons continus que l'insecte bleu ne peut
malheureusement saisir. Sa curiosité restera
insatisfaite.
- Et si nous allions
déjeuner ? Demande Antoine.
- Excellente idée, répond
son interlocutrice. Comme je me trouve sous
votre responsabilité et votre tutelle, je
ne peux que me plier à vos désirs. En tout
cas, à ceux que je suis en mesure de pouvoir
accepter. Finit-elle, se fondant dans un
sourire taquin.
- Parfait. Je pense que
vous connaissez la marina de Cascais. En
fait elle n'est pas très loin d'ici. Regardez
là-bas, juste en face
de nous, un peu décalée sur la droite. Vous
la voyez ? Demande Antoine, qui dans la foulée s'aperçoit
de la gaffe involontaire qu'il vient de
commettre et dont il lit les effets immédiats
sur le visage de sa compagne de l'instant.
Il essaye vaguement de se reprendre...
- Désolé. Je voulais
dire, euh, enfin, je voulais vous indiquer
la...
La jeune femme le coupe
promptement, voyant l'embarras dans lequel
se trouve son désormais ami et complice,
et le rassure...
- Oui, en effet je connais
la marina. Et ne vous en faites pas,
Antoine. Par habitude on emploie tant de
fois les verbes voir et regarder, qu'on
ne fait même plus attention. C'est instinctif.
J'avoue que pendant une
fraction de seconde ça m'a fait de la peine
de me sentir impuissante et diminuée.
Mais
ne croyez surtout pas qu'il s'agit d'un
sujet tabou. Actuellement je suis aveugle
et j'ai parfaitement conscience de la situation.
Alors ne vous sentez surtout pas gêné et
ne réfléchissez pas aux mots que vous prononcez. Restez
naturel.
Dit-elle, poursuivant...
- D'ailleurs si vous
voulez, vous pouvez même plaisanter sur
la question. Venant de votre part, je ne
m'en offusquerai pas, bien au contraire.
Je crois qu'il vaut mieux que je prenne
le contexte avec humour. J'essaye, en tout
cas. Finit-elle.
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