La
jeune femme s'enhardit alors à se mettre
debout malgré la vitesse, défiant l'instabilité
produite par les inévitables secousses
du bateau.
Elle aimerait
se rapprocher d'Antoine. Ces minutes exaltantes
le font devenir en quelque sorte l'homme
de sa vie, en tout cas l'homme de ses yeux, son
vrai complice, celui en
qui elle a une confiance démesurée
et avec lequel elle aimerait réellement
partager
tout le bien-être qu'elle ressent.
Se tenant tant bien que
mal à ce qu'elle peut, elle se hasarde
à faire deux ou trois pas afin de venir se placer
juste derrière son pilote, celui qu'à l'instant
présent elle ne remplacerait pour rien au
monde.
Elle se tient désormais
debout derrière Antoine qui demeure assis
aux commandes du bateau. Ses mains se posent
alors sur les épaules de son compagnon de
promenade. Le fragile contact initial prend de
l'ampleur au fil des minutes. Un peu surprise
par son propre culot, elle s'accroche
à lui peu à peu, moins pour préserver
son équilibre devenu précaire que parce
qu'elle ressent une irrésistible envie de
lui montrer une marque d'affection.
Elle se serre très fort contre
lui. Ses mains l'agrippent
un instant, avant que ses bras ne viennent
entourer celui qui désormais devient le
roi du monde. Tendresse...
Le bateau file. L'air
devient de plus en plus vivifiant à mesure
qu'ils prennent le large en direction de
la mer.
La brise s'enflamme. Le soleil dirige
ses énormes projecteurs vers ce minuscule
point de planète en forme de bateau, dans
lequel deux âmes sentent leurs émotions
leur échapper. Impressions indéfinissables. Antoine
ressent une curieuse sensation
d'ivresse noyée dans un silence mutuel et
complice où les mots n'ont plus leur place.
C'est comme si leurs
lèvres s'embrassaient à distance, propulsées
par une vague de discrétion pudique désireuse
d'éternité. Comme l'argent,
le sentiment d'amour n'a pas d'odeur, mais
il a sans doute les allures de perfection
et de plénitude, que l'on ne retrouve dans
aucune autre émotion ressentie par les êtres....
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