Le
bateau ralentit alors peu à peu, puis s'arrête
en plein milieu de cette baie majestueuse,
un estuaire ouvert à tous les regards et
paradoxalement devenu un endroit idéal
de tranquillité et d'isolement.
Antoine se lève et prend
la jeune femme dans ses bras. De tendres
caresses fusent tandis que leurs bouches
se frôlent. Admiration, désir et attirance
jouent à un jeu espiègle. Leurs lèvres
se provoquent en douceur, finissant par s'unir
dans un élan de ferveur partagée.
L'immensité bleutée dans
laquelle ils se fondent est la
seule vraie spectatrice d'une étreinte interminable
unissant deux ombres désormais allongées.
Le sensoriel a soif d'éclat
et de splendeur et le toucher est avide de formes.
Le présent fait arrêter les aiguilles
des horloges, pendant qu'ils se délectent dans un embrasement tactile
qui ne trouve de limites que dans leurs
propres envies.
La raison vacille au
fil des secondes. Tout va très vite, trop
vite sans doute. Mais qu'importe. Puisqu'il
n'existe aucune entrave, pourquoi résister à l'irrésistible
?
Ils s'imprègnent du goût
de l'autre dans une farandole endiablée
que la modération a manifestement désertée. Toute trace de
pudeur s'éloigne, tandis que les corps se
dénudent peu à peu, probablement sans même
s'en apercevoir. Les barrières se lèvent
et les serrures explosent livrant peu à peu
des secrets préservés. Les mystères se dévoilent.
Dans les entrailles des reliefs, les sources
alimentent peu à peu les ruisseaux, et l'ivresse de l'instant
plane comme un tapis volant au-dessus
d'un nuage de délectation. Sensualité
et bien-être sont agréablement confortés...
Délices forgés par l'envie
de donner autant que par celle de recevoir.
Si le paradis a une couleur, ce doit être
celle de l'euphorie qui les envahit.
Erotisme et régal deviennent des termes
insipides et fades, puisque leurs sens
dépassent les contours de l'expression.
Le bateau tangue tandis
que leurs corps se confondent, se fondent,
et trouvent un rythme commun dans une
symphonie sans réelles fausses notes. Envies subtiles
et animales alternent en permanence dans
l'enceinte de ce petit bateau devenu fiévreux.
Improvisation et délire se mêlent sans retenue
à l'ardeur et à l'étourdissement. Plus rien
ne compte d'autre que la fébrilité de deux
ombres unies dans un fabuleux élan passionné. Deux
passagers font un voyage. La tendresse leur
indique le chemin pendant que les sensations
sont bien au rendez-vous. Il n'est pas question ici
de prouesses mais d'intensité et de passion
partagées.
Le Portugal prend
décidément des allures magiques. Sous un ciel complaisant
peint par des peintres amateurs d'azur,
soupirs et gémissements désordonnés s'envolent
et s'amplifient au fil du temps.
Les battements de leurs
coeurs s'accélèrent. Les rivières devenues
des fleuves ont hâte
de se jeter dans l'océan.
Les notes
sortant de leurs lèvres arides se bousculent
et s'entrecroisent jusqu'à ne plus se contrôler...
Elles finissent par jouer à l'unisson un
refrain majestueux souligné par un cri
commun. L'idéal a souhaité leur faire un
cadeau, celui de la félicité concordante
et ajustée. Il arrive à la nature de faire
preuve de complaisance.
Les passagers naviguent
désormais en eaux calmes...
La splendide baie de Setubal est
devenue un lit immense sur lequel plane
une béatitude bienveillante. Ils demeurent allongés
en silence,
tendrement blottis l'un contre l'autre,
étourdis et stupéfaits autant par eux-mêmes
que par le contexte.
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