Un départ... vers l'avenir
Ce
jour-là n'est pas comme les autres, en tout cas, pas pour elle. C'est le jour
d'un départ qui curieusement n'a pas la tiède saveur d'une fin, mais la
brûlante excitation d'une naissance.
Les bagages à la main,
elle descend les cinq marches de la maison,
puis traverse lentement le jardin sans regarder derrière elle, comme pour ne pas se
retourner sur le passé, et sûrement pour ne pas flancher.
A cet instant précis
elle occulte sa pire ennemie, l'incertitude qui l'a dévorée pendant des mois.
Désormais elle pense que son futur a un avenir qu'elle ne peut trouver que
devant ses pas et non dans cette maison qui a pourtant abrité son adolescence et le
début de sa vie d'adulte. Sa décision, "la décision", est prise
depuis deux mois. Elle retourne dans "sa terre", comme disent souvent
les portugais.
Marchant d'un pas lent
mais se voulant sûr, elle se retourne alors une seule
fois, sans doute pour répliquer du bout des doigts aux inévitables adieux de Maria et
Alberto, ses parents, arrivés en France
lors de l'immense vague d'émigration des décennies 60 – 70, et qui eux restent, tout comme son frère Joao
Paulo, un peu plus âgé qu’elle, auquel elle a fait
des adieux émouvants la veille.
Mes parents vont me manquer, se dit-elle
intérieurement, englobant inévitablement dans ses pensées "son grand" Joao Paulo avec qui elle
entretenait une complicité rare. De joyeux larrons ces deux-là quand ils se
trouvaient ensemble.
Elle franchit la grille du jardin, et se retrouve
sur le trottoir où l'attend déjà Luis, le chauffeur de taxi lui aussi
portugais, un ami de la famille auquel elle a donné rendez-vous ce matin à dix
heures précises.
- Bonjour Luis. Vous êtes à l’heure, dit-elle au jeune chauffeur de taxi.
-
Bonjour. Ah ça, c’est
inévitable. Je n’ai peut-être pas beaucoup de qualités, mais j‘ai au moins
celle d’être ponctuel, répond-il. Je dois être un faux portugais, ajoute-t-il
en riant, afin de détendre sa cliente...