|
|
|
|
Amalia Rodrigues |
|
|
Il
pleut dans leurs yeux...
- Il
ne pleut pas sur Lisbonne, mais il commence
à pleuvoir dans les yeux de beaucoup
de Lisboètes, car ils ont compris
que le fado est subitement devenu orphelin.
Les pleurs viennent de partout, serpentant
entre les accords fictifs qui trottent
dans les têtes.
-
Le
salut de l'Artiste
- Amalia a tiré sa
révérence...
- Le
silence qui avait envahi la ville s'enfuit
à grandes enjambées. De
tous côtés résonnent
des voix. Elles grondent dans les quartiers
de mouraria, d'alfama, du bairro alto,
longent le tage, franchissent les maisons,
envahissent les avenues.
-
- Une clameur résonnant
comme une complainte homogène
semble balayer la ville, comme un ouragan.
On tente de s'accrocher tant bien que
mal aux rares radios portables soudain
devenues des objets recherchés
pour la vérité qu'ils
peuvent prodiguer en pleine rue.
-
"Souvenir furtif personnel..."
- Une
pensée surgit en
moi le temps d'une chanson. Souvenir enfoui.
- Quiconque
tente d'écrire quelques
mots sur un mythe, ne peut
le faire qu'avec humilité.
Comment atteindre les étoiles,
sinon en rêvant ou
en faisant revivre
ses souvenirs ? Amalia,
et comment lui en vouloir,
a un jour suscité
en moi une émotion
pure. Pour la première
fois de ma vie, il me fut
impossible de contenir les
petits ruisseaux qui lentement
coulèrent de mes yeux d'enfant.
Ais-je grandi à cet
instant précis ?
-
- La Dame en noir
chantait, vibrait, vivait...
En chantant : Rua do Capelão
-
Paroles
-
Musique
(extraite
de amalia no sapo)
- mario
pontifice
-
Sensation
étrange
- La nouvelle se répand.
Les commentaires s'échangent
de partout. On veut savoir. Besoin de
certitude. Y Croire ? Que faire ? Que
dire, sinon pleurer ou chanter ?
- Armando,
un jeune Lisboète de dix-neuf
ans, étend un châle noir
à sa fenêtre. C'est pour
lui montrer que je pense à elle,
dit-il, lui qui ne connaît que
très peu Amalia. Et il poursuit
: Moi, je suis un fan de hip-hop, mais
la musique, c'est une grande famille,
et c'est un tout. Et Amalia n'est pas
la Reine du fado, mais une Princesse
de la musique.
-
- "Quelle
étrange forme de vie", comme
dit le fado portant ce titre, qu'elle
écrivit elle-même. Sensation
soudaine de manque. Déjà
l'absence. C'est comme si les Lisboètes
regardaient un film étranger
en V.O. sans légende. Mais les
légendes ne meurent jamais.
-
|
|
ESPACE |
|
Lisbonne
prise en... eau tage
- Lisbonne est
abasourdie, anéantie,
vidée. Mais qu'y
peut-elle ? Sur la place
du Rossio, deux femmes se
mettent à chanter
tout en buvant leurs larmes.
Lisbonne pleure en chantant.
-
- Elle semble
comme prise en otage ou
plutôt prise en eau
tage, car enveloppée
dans une sorte d'immense
larme géante, dont
le Tage formerait les contours.
Ce grand fleuve aux eaux
tranquilles, est d'ailleurs
bien désolé
de contribuer à transporter
malgré lui, la nouvelle
tout le long de la ville.
-
- Mais si Amalia
est lisboète de naissance
et de coeur, elle ne symbolise
pas Lisbonne. Elle appartient
au fado auquel elle a à
maintes reprises tordu le
cou afin de le faire évoluer,
et elle est Portugaise,
tout simplement. Le Portugal
et les fadistes ressentent
la même émotion
que les lisboètes.
Ils savent qu'un immense
talent s'estompe ainsi dans
le néant, et frappe
ce jour-là à
la porte de l'histoire de
la musique.
-
Le
Portugal balayé
- La nouvelle
se répand comme une
traînée de
poudre à travers
le pays. Le Portugal s'émeut
du nord au sud. Inconditionnels
et non amateurs de fado
se retrouvent unis, car
sensibles à cette
page qui vient subitement
de tourner. Le fado retentit
partout dans le pays, comme
une sirène annonçant
un gigantesque incendie.
-
- Pas une radio
ne passe à côté.
Pas une émission
télévisée
n'oublie d'invoquer la nouvelle.
Toutes les chaînes
perturbent leurs programmes.
La voix d'Amália
survole le pays, elle inonde
les plaines, contourne les
montagnes, épouse
les fleuves, dont les clapotis
se font plus intenses.
-
La
chanson de la mer
- Même
la mer, très présente,
qui borde le Portugal avec
tendresse, souhaite déjà
rendre un hommage à
Amalia. Les vagues semblent
se mettre à danser,
et sur chaque crête
scintille un reflet d'argent
en forme de note de musique.
L'océan entame la
fabuleuse chanson que lui
a jadis dédié
Amalia : - La Chanson de
la mer (cançao do
mar).
-
- Pas une ville,
pas un village pas un lieu-dit
n'est indifférent.
Le Portugal est en pleine
période pré-électorale.
Et pourtant, même
les dates des meetings des
partis politiques vont être
perturbés.
-
Rue
Sao Bento
- La rue Sao
bento, vingt minutes après
la diffusion de la nouvelle,
est déjà assaillie.
La demeure d'Amalia se trouve
au numéro 193 de
cette rue.
-
- C'était
le Royaume de la Star, là
où elle se ressourçait,
passant de longs moments
de méditation. C'était
aussi l'endroit douillet
où elle refaisait
le monde, en compagnie d'amis
lors de soirées mémorables,
dont certaines ont largement
contribué à
donner vie au fado.
-
- Amalia habitait
cette demeure depuis 1955.
Elle avait choisi ce lieu,
exactement 200 ans après
le fabuleux séisme
qui secoua Lisbonne. Cet
immeuble a résisté
au séisme en 1755.
Il supportera donc ce raz-de
marée humain pacifique
et compatissant, qui cherche
déjà à
rendre hommage à
la mémoire de la
Divine Diva... En reculant
le temps.
|
|
|
|
amalia
rodrigues © 2002 portugalmania.com
© Réalisation intégrale,
idée-concept, textes, création,
conception et composition : Mario Pontifice |
|
|
|
|